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LA MIRLITANTOUILLE

Chouans, coiffés de bonnets à poil, réveillent l’agent de la commune, le tirent hors du lit vacillant de peur, et l’obligent à les conduire chez le curé intrus dont ils vident la maison[1]. La terrifiante énumération se poursuivra durant toute l’année 1799, et l’on ne dira pas tout, car l’effroi glace les plus intrépides et les fonctionnaires menacent d’abandonner leur poste s’ils ne sont pas protégés. Ceux mêmes qui résident au chef-lieu osent à peine, dans leurs rapports officiels, citer un nom suspect ; la malle-poste qui portera ces pièces peut être attaquée et c’est la mort pour tout signataire d’un document dénonciateur. Car, la belle saison revenue, les arrestations de diligences seront fréquentes ; mais qui se hasarde à courir les grands chemins ? Un espion du Directoire[2] note que « les brigands ne laissent passer les voyageurs qu’après avoir visité leurs passeports, sur lesquels, vraisemblablement, des fonctionnaires perfides signalent, par des marques convenues, ceux qui doivent devenir victimes de leur attachement à la Révolution[3] ». La chose se fait au grand jour : le 11 juin 1799 une bande de douze à quinze brigands arrête la diligence de Saint-Brieuc à peu de distance de Lamballe ; ils rançonnent tous les occupants de la voiture : la récolte se fait dans un chapeau où chacun doit jeter son argent. À l’un, Nicolas Guerrin, qui vide sa bourse contenant 36 francs en monnaie blanche : — « Tiens, dit le chef, reprends tes sous ; tu as l’air d’un pauvre

  1. Archives nationales, F7 36692.
  2. Le citoyen Louason, en mission dans les départements de l’Ouest, à l’effet de renseigner le gouvernement sur la situation de ces départements.
  3. Archives nationales, F7 7577A.