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LA MIRLITANTOUILLE

général était imminent quand, au début de 1793, vendu au gouvernement par son plus cher compagnon, la Rouerie mourut de saisissement en apprenant l’exécution du Roi. Douze de ses complices, hommes et femmes, avaient été guillotinés, en juin, à Paris ; mais l’un des lieutenants du marquis était parvenu à soustraire la liste de ses officiers et le contrôle des compagnies de paroisse, de sorte que l’association, en sommeil depuis le décès de son chef, pourrait être en peu de temps tirée de sa léthargie, s’il se trouvait un homme assez hardi et assez autorisé pour assumer la succession de la Rouerie.

Ces révélations suggèrent à Puisaye un plan de salut : son existence est à la merci d’un hasard : la seule chance d’échapper à l’échafaud est la débâcle de cette révolution contre laquelle il s’est imprudemment mis en guerre. Pourquoi ne tenterait-il pas de l’abattre ? — Tout de suite, sa résolution est prise… Qu’un homme dont la tête est mise à prix, n’osant sortir du bois où il gîte, sans toit, sans soutien, sans autres amis que deux proscrits aussi compromis, aussi errant que lui, forme le dessein d’entrer en lutte contre un ennemi disposant des ressources de la nation la plus puissante du monde, voilà qui passe la vraisemblance : c’est pourtant ce que méditait de tenter Puisaye, tapi sous sa hutte de branchages. Sans doute se rémémorait-il le roman de sa vie lorsqu’il écrivait plus tard : « En révolution, si quelque chose a le droit d’étonner, c’est qu’il y ait des gens qui s’étonnent[1]. »

  1. Mémoires de Puisaye, IV, 231.