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DUVIQUET

à trois heures, dit-il, je vais faire mes réflexions. »

À deux heures et demie, car le temps pressait, l’officier était de retour. Duviquet posa ses conditions : si l’on consent à le garder en détention jusqu’à la paix dans la prison de son département et à ne pas inquiéter les familles Kerigant et Le Gris, il s’engage à livrer le reste de la bande. Carfort ne se rendra pas, mais il le fera prendre[1]. Le capitaine porta ces propositions à l’Administration départementale. Il reparut une heure plus tard, amenant Palasne-Champeaux, le président du Conseil de guerre ; mais celui-ci n’est point partisan du sursis : il décide que la justice suivra son cours et, sur l’ordre d’Hébert, le bourreau entre en scène. C’est le citoyen Lubin-Lacaille, un homme expert, qui « travaille » à Saint-Brieuc depuis 1792[2]. À son aspect, Duviquet paraît « très affecté ». Désespérément il tente sa dernière chance : — « Citoyen capitaine, dit-il, on vous trahit… si l’on eût voulu, j’aurais dit bien des choses. » L’officier se tait : il n’y a plus rien à attendre des hommes ni de la vie. On apporte au condamné un verre de cognac ; il boit et se ressaisit un peu, sourit au capitaine, le salue « d’un air humble et respectueux » et lui dit adieu. Hébert, pourtant, l’accompagnera jusqu’au bout. Il est cinq heures de l’après-midi. Les portes s’ouvrent ; au dehors, derrière la troupe alignée,

  1. « Vous répandrez le bruit que je viens de m’échapper ; j’écrirai à tous les Chouans et chefs ; j’indiquerai où il faudra porter mes lettres ; elles annonceront que j’ai eu le bonheur de m’échapper ; qu’ils aient à se réunir dans la forêt de La Nouée pour une expédition essentielle ; ils s’y trouveront certainement, les républicains les cerneront, et on leur fera mettre bas les armes… »
  2. Archives nationales, B3 207 et 215.