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DUVIQUET

son de la place de l’Égalité où avaient lieu les exécutions capitales.

Dans la nuit du 16 au 17 juin, deux gardes nationaux, le citoyen Cousin, instituteur, et le citoyen Le Beau[1], sont postés en sentinelles devant la prison. Onze heures ont déjà sonné quand, dans le silence du quartier désert, Le Beau perçoit le bruit d’une troupe en marche : le pas rythmé des militaires se rapproche et bientôt ils débouchent de la route de Rennes, se dirigeant vers la maison d’arrêt. Ce sont huit ou dix grenadiers conduits par un sergent : ils entourent un pauvre diable qui a les mains liées derrière le dos ; il est vêtu d’une houppelande et deux soldats le tiennent au collet. — « Qui Vive ? », crie Le Beau. Le chef de la patrouille s’approche : — il vient de prendre un émigré à la côte et il l’amène à la prison par ordre du chef de brigade Palasne-Champeaux, commandant le 87e arrondissement maritime et président du Conseil de guerre. Et, tout en parlant, le sergent sort de sa poche son ordre de route et tire la sonnette de la prison. La porte est percée d’un judas dont le volet intérieur glisse ; par l’étroite ouverture le concierge Peyrode demande « ce qu’il y a ? » — Un prisonnier à écrouer… — « On n’ouvre pas à cette heure-ci ; qu’on revienne au jour. » Brusquement le judas se ferme. Les soldats sont perplexes. Que faire ? Le Beau leur conseille de conduire l’émigré au poste de la Grand’Place ; on le gardera là jusqu’au matin. Le sergent et ses hommes discutent encore : — ils ont cependant reçu l’ordre de remet-

  1. Plus tard, armurier à Saint-Brieuc.