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BOISHARDY

curer un asile ; mais aucune porte ne s’ouvrit devant des proscrits si compromettants. Ils revinrent donc à Plélan, s’abritèrent durant trois jours dans un château inhabité[1] ; avertis par un billet anonyme, tombé du ciel, qu’il était temps de déguerpir, ils retournèrent à Ploërmel et y arrivèrent juste au moment où l’on affichait à la municipalité le décret mettant Puisaye et ses complices hors la loi : défense de les héberger sous peine de mort. Le Roy, découragé, quitta ses amis ; Puisaye et Focard restaient sans guide dans ce pays qui leur était inconnu, dont ils ne parlaient pas la langue et, par surcroît de disgrâce, signalés à tous les postes. Focard, à bout de forces, s’abandonnait ; Puisaye, tenace, gardait confiance en sa fortune ; sans but, tous deux reprirent, en pleine nuit, le chemin de Rennes ; leurs chevaux fourbus ne pouvaient plus les porter ; il fallait trouver un refuge avant le jour, ou c’était la mort.

Comme l’aube allait poindre, ils avisèrent, à l’entrée du bourg de Beignon, qu’ils avaient traversé la veille, une misérable auberge, dont l’écurie n’était pas fermée. Focard y plaça les chevaux sans être aperçu et constata qu’une porte laissée entr’ouverte, donnait accès à une soupente garnie de lits. Tout était silencieux dans la maison ; sans bruit, les fugitifs se couchèrent ; ils dormirent durant quatorze heures. Au réveil, en plein jour, nul des habitants de l’auberge ne semblait s’apercevoir de leur présence ; ils questionnèrent prudemment ; ils se trouvaient chez « de très braves gens » ; l’hôte-

  1. Au château de Coëtbo, non loin de Beignon, et dont le possesseur, le marquis de Guer, était émigré.