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LA MIRLITANTOUILLE

est le mot d’ordre. « On ne doit point compromettre la cause par des vengeances particulières[1]. Duviquet et Le Gris revinrent assez déconfits ; ils espéraient un encouragement à la rigueur, on leur avait prêché la nécessité des concessions. Pourtant il fallait vivre : les conscrits réfractaires, les déserteurs de l’armée, les fugitifs de Quiberon ou de la Vendée, sans feu ni lieu, « pris entre la misère la plus sombre et les baïonnettes républicaines, réclament ou des secours légitimes ou la reprise des hostilités ». Si l’on tarde à les satisfaire, les chefs royalistes eux-mêmes seront menacés ; ne parle-t-on pas déjà de bandes d’hommes masqués qui, la nuit, enfoncent les portes des maisons isolées, réclament de l’argent, grillent les pieds aux récalcitrants et disparaissent, râflant tout ce qu’ils peuvent emporter de lard, de pain, de cidre et d’eau-de-vie ?

Si la politique du Directoire avait suivi son orientation momentanée vers l’apaisement, la chouannerie, désorganisée et découragée allait s’éteindre. Le coup de force du 18 Fructidor rouvrit l’ère des violences et des persécutions[2]. La nouvelle de cet événement parvint à Bosseny vers le 10 septembre. Madame Le Gris-Duval, revenant de la foire d’Uzel avec son beau-frère Kerigant, annonça, très montée, « l’arrestation de Pichegru et de bien d’autres ». — « Voilà encore un coup manqué », disait-elle. Le conseil qui se tint ce soir-là autour de la table des Le Gris fut belliqueux ; tous les habitués s’y trouvaient : Duviquet, Carfort, Mairesse, Dutertre, Lamour-Lanjégu et peut-être son cousin Pierrot-

  1. Archives nationales, F7 6147. Relation de Mairesse.
  2. É. Sageret, loc. cit., I, 449.