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DUVIQUET

île quasi mythique qu’on appelle l’île Fortunée ou l’île du Bonheur ; il s’y retire dans une petite ferme qu’avoisinent des cachettes voûtées, pratiquées jadis par des contrebandiers dans l’épaisseur de longs talus couverts d’arbres et de broussailles[1]. Son plus cher ami est un jeune homme de vingt-trois ans, mince, fluet, petit, à l’air distingué, à la démarche élégante ; il s’appelle Mercier, on le surnomme La Vendée ; il est le fils d’un aubergiste du Lion d’Angers. Ses belles manières, son élocution facile, son ardente piété, sa finesse et sa bravoure tranquille lui valent un prestige presque égal à celui de Cadoudal[2]. On a dit de Mercier La Vendée, qu’il fut le Patrocle de l’Achille breton.

Dans l’été de 1797, quoique Georges eût seulement sous son commandement la région de Vannes et d’Auray, sa suprématie était déjà si manifeste qu’aucun chef royaliste ne se fût permis d’entreprendre une expédition de quelque importance sans lui en avoir soumis le projet. C’est ainsi que Le Gris-Duval et Duviquet, inquiets de la pénurie de leur bande et du mécontentement que les hommes ne dissimulaient pas, entreprirent le voyage du Morbihan afin de se présenter à Georges et d’obtenir de lui l’autorisation « d’opérer dans le département du Finistère » ; la guerre civile avait épargné cette région de la Bretagne et on pouvait espérer y réaliser quelques prises fructueuses. Ils furent mal reçus : Georges refusa : — « N’avaient-ils pas de quoi se remonter dans les Côtes-du-Nord ? » D’ailleurs il leur recommanda la modération : — « Ne pas tuer », tel

  1. C’est l’île de Locoal, dans la rivière d’Étal.
  2. Sageret, loc. cit.