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LA MIRLITANTOUILLE

Tout de même, les Bleus partis, on décide, par crainte d’une alerte de nuit, qu’on ne couchera plus au château : Duviquet et Mairesse iront dormir chez une veuve habitant « une petite maison sur la chaussée de l’étang » ; c’est là aussi que logeront Saint-Régent et Lamour-Lanjégu quand ils seront à Bosseny.

Entre temps, on n’oublie pas « les affaires » ; mais, sur ce point, Mairesse est sobre de détails : — « lever de l’argent chez des receveurs », note-t-il laconiquement ; c’est-à-dire qu’on est allé piller la caisse des percepteurs de contributions. Pour ces coups de main on est en force et bien armé ; Mairesse, avisé la veille, va, de nuit, chercher son fusil, caché dans un champ. Le rassemblement a lieu à Bel-Air, point culminant du Mené ; la lande, longue de plus d’une lieue, qui s’étend de cette hauteur jusqu’à la Mirlitantouille est, de tout le pays, l’endroit le plus propice à la préparation des expéditions délicates ; les surprises y sont impossibles et les dispersions aisées : un homme couché dans les ajoncs est invisible à cinq pas. Quant au cabaret de la Mirlitantouille, rien de plus innocent que l’aspect de ces deux masures posées de chaque côté du grand chemin. La fille Plé, qui y vend à boire, n’est pas du tout suspecte de complicité avec les Chouans : elle vit avec son père qui paraît être l’homme le plus indifférent aux querelles politiques. Jamais un incident n’éveilla sur son humble auberge les méfiances administratives ; pas une patrouille de gendarmes, pas un détachement de Bleus, en marche de Loudéac à Saint-Brieuc qui ne s’arrête là pour « rafraîchir », portes toujours ouvertes, toujours accueil empressé ;