gade, échauffé par la rhétorique de ces matamores d’estaminet, s’égaya de leurs faciles fanfaronnades envers des adversaires contre lesquels il avait fait, lui, le coup de feu. L’intervention goguenarde de cet « épauletier » déplut aux péroreurs : dispute, invectives, bagarre. Un particulier s’interpose ; — grande taille, visage grêlé, barbe brune ; — il saisit un tabouret qu’il brandit de ses mains robustes ; l’officier dégaine ; tous deux se dégagent de leurs assaillants et sortent du café, tête haute. Dans la rue ils se nomment l’un à l’autre : — « lieutenant Pierre Duviquet — Le Gris-Duval, chef royaliste. » On se serre la main ; on cause. Duviquet dit son dégoût de commander à des hommes indisciplinés, mal nourris, raisonneurs, découragés ; depuis un an plus de cent soldats de son bataillon ont déserté. Originaire des environs de Meaux, il s’est engagé en 1792, comme volontaire à la 184e demi-brigade : officier depuis deux ans, il est las de traîner ses guêtres en Normandie et en Bretagne et de ne jamais se battre contre les ennemis du dehors[1]. Le Gris-Duval ne s’épuise pas à réconforter son nouvel ami et à lui prôner les beautés de la servitude militaire. Sans doute l’incita-t-il, au contraire, à répudier ce rebutant métier et vanta-t-il les agréments de l’indépendance ainsi que la noblesse de la cause, prochainement triomphante, à laquelle lui-même avait voué sa vie. Huit jours plus tard le lieutenant Duviquet arrivait à Bosseny, très fêté par l’aimable société du
- ↑ Pierre Duviquet, fils de Jean Duviquet et de Catherine Legendre, né à Trilbardoux, district de Meaux, Seine-et-Marne ; engagé le 1er janvier 1792, sergent le 10 septembre 1793, promu sous-lieutenant le 20 pluviôse, an II, 8 février 1794. Contrôle de la 184e demi-brigade. Archives nationales, F40* 487.