Page:Lenotre - La Mirlitantouille, épisode de la Chouannerie bretonne, 1925.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
DUVIQUET

ries comme au temps où la France gémissait sous le joug des moines et des tyrans[1] ! Est-ce donc que la République agonise et que les patriotes vieillis à son service vont perdre leurs places ? — D’autre part les royalistes ne se déclaraient pas plus satisfaits : après quelques mois d’apaisement apprécié, les chefs de la Chouannerie, presque tous jeunes et ardents, prenaient en lassitude leur oisiveté présente ; ils regrettaient la vie de périlleux hasards ; n’avaient-ils pas, en acceptant trop tôt la Pacification de Hoche, compromis l’avenir ? La soumission à la République ne leur fera-t-elle point perdre tous droits à la reconnaissance des Princes lors de la Restauration immanquable ?

Et puis il restait dans les forêts du Morbihan beaucoup de sans asile, — émigrés errants, survivants de Quiberon, Vendéens de Charette, — beaucoup de déserteurs de l’armée républicaine aussi, dont la seule ressource était le « chouannage » et qui réclamaient des enrôlements. Bref, après moins d’un an de repos, les adversaires pacifiés entrevoyaient la probabilité d’hostilités prochaines et l’on en discutait sans répit dans les salons des villes comme sous le chaume des métairies.

Un jour, à Saint-Brieuc, au café Bailly, place Saint-Guillaume[2], un petit cénacle de bourgeois, jacobins attardés, fulminait contre ces brigands royalistes dont le fanatisme avait entravé l’essor de la démocratie : n’aurait-on pas dû les exterminer en masse ? Un jeune lieutenant de la 104e demi-bri-

  1. Archives nationales, F7 36691.
  2. Café connu, depuis lors, sous le nom de Café Jouault. C’est aujourd’hui un garage.