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LA MIRLITANTOUILLE

son visage grêlé, sa barbe brune, sont populaires, et aussi sa camaraderie sans morgue avec les paysans, son infatigable activité, ses manières un peu rudes et son goût pour la facétie. Rien du fanatisme dans son opposition au gouvernement ; elle serait plus volontiers goguenarde : auteur de plaisantes comédies de salons, Le Gris-Duval, dans la vie réelle, a peu de goût pour la tragédie ; la situation fût-elle dramatique, il est rare qu’il ne l’exploite en vaudevilliste et que, au dénouement, les rieurs ne soient pas de son côté. Ainsi, gardant sur le cœur l’enlèvement par les Bleus des vingt chevaux de sa ferme, il réunit, certaine nuit, une trentaine de ses hommes choisis parmi les plus adroits et les plus résolus : il se met à leur tête et prend la route de La Chèze, chef-lieu de canton situé à quatre lieues de Bosseny. Il avait appris qu’un détachement de cavalerie républicaine séjournait à cet endroit. Comme bon nombre de villages bretons, le bourg de La Chèze, centre d’une assez importante agglomération très disséminée, se composait alors presque uniquement d’une place où s’élevaient la halle et deux ou trois estaminets[1]. Les cavaliers bleus s’étaient répartis dans les écarts ; les gardes d’écurie dormaient à l’auberge ; les chevaux étaient sous la halle. Le Gris-Duval fit brider les bêtes, ses hommes se mirent en selle, et toute la caravane reprit le chemin de Bosseny, ayant opéré avec tant de rapidité et de silence que les cavaliers de la République connurent seulement à leur réveil la disparition de leurs montures. L’histoire des chevaux « envolés » de La Chèze

  1. Habasque, Notions historiques sur les Côtes-du-Nord, III, p. 56.