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DUVIQUET

de Chouans, et qu’on ne saurait prendre trop de précautions pour l’empêcher d’y retourner et de continuer ses relations avec eux… (sic) » décident qu’elle sera remise à la garde du citoyen Le Saulnier[1] et devra se présenter chaque jour à la municipalité du chef-lieu, avec « défense de découcher et de sortir de la commune ». C’est donc à Saint-Brieuc, — alors nommé révolutionnairement Port-Brieuc, — que fut internée la jeune fille ; mais le citoyen Le Saulnier, quelle que fut la solidité de son stoïcisme, ne put supporter longtemps la cohabitation avec cette peu docile et impétueuse pupille : au bout de deux mois il implorait grâce, réclamant « d’être déchargé de toute responsabilité à l’égard de la dite citoyenne… » Sur quoi mademoiselle de Kercadio, libérée de la surveillance, fut déclarée « apte à jouir des droits assurés à tout individu soumis aux lois de la République[2] » ; ce dont elle profita pour retourner sans délai parmi les Chouans.

Car, de pacification, on le pense bien, il n’était plus question. Les paysans, d’ailleurs, n’avaient pas compris grand’chose à ces pourparlers sans résultats ; la paix, à leur sens, c’était le retour à l’ancien ordre, les églises rouvertes, les bons prêtres officiant ; rien de tout cela ne se réalisait ; c’est donc que la guerre durait toujours. « Pourtant leur feu sacré d’antan se trouvait très altéré depuis le

  1. Il y avait plusieurs Le Saulnier dans l’Administration des Côtes-du-Nord. Celui-ci serait-il Le Saulnier, du Vauhelle, qu’une note de l’an VI qualifie de « royaliste outré, sans mœurs ni probité, totalement dévoué aux Chouans et aux ci-devant nobles et couvert du mépris public. » Archives nationales, F7 7330, Situation des Administrations civiles à Port-Brieuc (Saint-Brieuc) à l’époque du 10 nivôse, VI.
  2. P. Hémon, Le Comte du Trévou, p. 74-75.