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LA MIRLITANTOUILLE

ecclésiastiques de sa suite ; il refuse de s’embarquer. — Puisaye, lui, s’est sauvé l’un des premiers ; il est à bord d’une corvette anglaise, à l’abri, avec tous ses papiers, contemplant, sans désespoir, ni remords, ni honte, l’aboutissement tragique de ses hâbleries et de son inconscience. Et l’on voit cette navrante et noble scène : Hoche, accouru de Vannes, marchant vers Sombreuil ; les deux jeunes chefs s’abordant, se saluant, aussi émus l’un que l’autre, causant longuement, à l’écart, en marchant côte à côte sur la falaise rocheuse ; enfin le vaincu, tirant son sabre, baisant pieusement la lame, et la remettant au vainqueur.

Ah ! s’il n’y avait eu là que des soldats !… Mais il y a les représentants du peuple, qu’on n’a pas vus pendant la bataille et qui se montrent, le péril passé. Ils sont deux : — Blad, un pauvre homme, morfondu de timidité, jouant à contre-cœur et mal son rôle de satrape, — et Tallien, saltimbanque de marque, qui déjà évalue en esprit le bénéfice personnel à tirer de l’événement : il se trouve que son intérêt politique commande la répression sans pitié, et, parce qu’il lui faut ne pas déplaire à tel parti, s’assurer l’appui de tel autre, raffermir sa situation menacée, des flots de sang couleront. Déjà s’allongent sur la route d’Auray, les lamentables défilés des émigrés prisonniers, vers l’abattoir des commissions militaires. En vain les grenadiers nationaux soufflent-ils aux malheureux qu’ils escortent : — « Sauvez-vous ! Sauvez-vous, messieurs, ou vous périrez tous ! » En vain Hoche lui-même se compromet-il à tenter l’évasion de Sombreuil, ces gentilshommes se croient tenus par la parole d’honneur et trop peu mettent