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DUVIQUET

on voit bien que ce sont des Français ! » disaient-ils avec une sorte d’orgueil… — Des traits d’une épique beauté : — le commandeur de la Laurencie, les deux jambes emportées par un boulet, se faisant mettre dans un tonneau de farine pour retarder l’hémorragie, déchargeant son pistolet et criant : Vive le Roi ! jusqu’au dernier souffle ; — le jeune de Corday, vingt et un ans, frère de Charlotte, se ruant trente fois à l’assaut, tombant enfin, haché de coups, quand Humbert accourt, arrête ses soldats : — « N’achevez pas ce jeune homme, sa bravoure me charme ; laissez-le vivre ! » — La panique des paysans éperdus, des femmes hurlantes, vers la mer : la marée monte, les chaloupes anglaises ne peuvent aborder ; il faut se mettre à l’eau pour les atteindre et la vague bouscule les corps, les rejette à la plage, les reprend, tableau d’infernale horreur, accrue par la canonnade, la débandade des bestiaux, l’enchevêtrement des charrettes ensablées… Les Bleus avancent, refoulant au fond de l’étroite presqu’île ces cohues auxquelles la terre va manquer ; Sombreuil et sa dernière phalange de braves essaient de lutter encore : — « Rendez-vous, camarades ; on ne vous fera rien ! » clament les Bleus apitoyés, — « Venez avec nous, vous serez bien traités ! » — « Fuyez, fuyez, c’est le plus sûr », crient les officiers républicains, plus perspicaces. Où fuir ? Le drame se prolonge, tantôt si atroce, tantôt si touchant, que les grenadiers d’Humbert se détournent pour ne plus voir : — « Oh ! pourquoi nous battons-nous », gémit le beau général, désespéré de sa victoire. Le vieil évêque de Dol est dans la bousculade, avec son grand vicaire et douze