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DUVIQUET

que la visite domiciliaire soit terminée. En ce temps-là, l’alerte était de tous les jours et l’accoutumance au péril émoussait la prudence. À l’abri des arbres qui les cachent, les Bleus font une décharge : le plus grand des trois hommes tombe ; ses compagnons ripostent, au jugé, par deux coups de fusil ; un républicain est blessé et ses camarades le rapportent au château. Profitant de ce répit, Saint-Régent et le domestique relèvent Le Gris-Duval qui a reçu deux balles dans la poitrine ; il perd son sang en abondance, refuse d’avancer, exige qu’on le laisse là et, tandis que Saint-Régent et le domestique traversent l’Oust et disparaissent dans les fourrés, il se traîne à la rivière, s’y enfonce jusqu’au cou, et s’abrite sous de grosses racines d’aulnes qui le dissimulent complètement. Les Bleus reviennent, suivent la trace du sang qui les conduit au bord de l’eau, ne voient personne, jugent que l’homme qu’ils ont abattu a dû fuir, avec les deux autres, sur la rive opposée, et ils abandonnent la poursuite. Ils partent enfin, laissant à Kerigant leur camarade blessé.

Comment Le Gris-Duval parvint-il à sortir de l’eau ? C’est ce qu’il n’a jamais su dire. Une femme du village le trouva évanoui sur le bord ; on le transporta au château ; il guérit promptement. Le Bleu était plus grièvement atteint : Madame de Kerigant l’installa chez elle et lui donna des soins : c’était un homme blond et malingre, de mine pateline et de ton sournois ; il se disait flamand et se nommait Mairesse.

Cet incident n’avait pas arrêté la marche incertaine de l’Armée rouge ; le 21 elle arrivait devant