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LA MIRLITANTOUILLE

revêtu la tunique garance à boutons de cuivre de l’armée britannique : sauf quelques entêtés, presque tous ont profité de l’aubaine ; ce ne sont plus les Chouans, c’est l’Armée rouge et on peut déjà pressentir que cette transformation n’est pas seulement extérieure : quelque chose a changé dans l’âme de ces rudes gas depuis qu’ils portent la livrée étrangère. Le premier soir on s’avance seulement jusqu’au château de Callac ; le 13, on traverse Plaudren et on va camper pour la nuit dans les landes de Lanvaux, aux environs d’une chapelle isolée qu’on appelle l’Ermitage ; le 14, on est à Saint-Jean-Brévalay ; là parvient à Tinténiac une nouvelle sommation de gagner Coëtlogon sans délai[1] ; il aurait encore le temps de se rendre là où l’appelle son devoir de soldat ; une marche forcée le reporterait à Baud pour l’attaque du 16… Qui donc redoute qu’il soit exact à ce rendez-vous d’honneur ? Il poursuit vers le Nord ; le 15, il est aux portes de Josselin ; le lendemain, il s’empare facilement de cette ville, mais il perd tout le jour à assiéger le château ; renonçant à cette conquête inutile, l’armée rouge, vers le soir, s’enfonce dans la forêt de La Nouée ; le quartier général s’installe pour la nuit à Mohon ; le 17, Tinténiac traverse La Trinité-en-Porhoët ; il y bouscule les Bleus du chef de brigade Champeaux qui tentent de lui barrer la route ; on passe ; on est

  1. Cet avis lui avait été adressé par un certain abbé de Boutouilac, correspondant, lui aussi, de l’agence de Paris ; il n’est pas indifférent de rappeler que l’agence royale de Paris était alors dirigée par Lemaître ; l’abbé Brotier, qui était son principal acolyte et qui devait lui succéder, écrivait, quelques mois après Quiberon : « J’ai de jolies femmes dans nos intérêts… » C’est le programme de toute une politique. V. Chassin, Pacifications, II, 244.