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LA MIRLITANTOUILLE

des pierres druidiques de Carnac » ; la proclamation solennelle de Louis XVIII — le roi est mort ! Vive le Roi ! — le déchargement des cinquante transports bondés de munitions et d’approvisionnements. Quatorze mille Chouans, qui n’avaient jamais manié que de vieilles canardières, reçurent de bons fusils, des gibernes, des cartouches, des souliers, des sacs, des guêtres, des vêtements… Un amoncellement de caisses de victuailles encombrait la grève : viandes salées, riz, farines, légumes secs, beurre, fûts d’ale ou de Porto, sans parler des tonnes d’assignats qu’on roulait et qu’on alignait sous des tentes… Toute l’opulence et tout le confortable anglais subitement révélés à ces pauvres Bretons qui, depuis des années, vivaient dans les broussailles. L’écho de leur stupéfaction se répercutait au loin dans la province, très égayée, d’ailleurs, par la panique et le désarroi des autorités locales : agents nationaux, municipaux, juges de paix et autres disparaissaient comme neige au soleil ; Vannes était évacué ; les représentants du Peuple en tournée dans le Morbihan, couraient s’enfermer à Lorient et criaient au secours ; bref, sous le commandement d’un Prince français dont on annonçait l’arrivée prochaine, l’armée de Puisaye, accrue de tous les Chouans de Bretagne, de Vendée, d’Anjou, du Maine et de Normandie, allait trouver libre la route de Paris.

Par où dirigerait-elle vers la capitale sa marche triomphale ? Point de ville, point de bourgade qui n’enviât l’honneur de son passage ; tous les châteaux ambitionnaient la faveur d’héberger les chefs ; toutes les femmes voulaient être des premières à