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DUVIQUET

metière de Bréhand. Les autres marchaient en éclaireurs afin de prévenir et de protéger le cavalier « en cas d’éventualité ». Vision de légende, ce vivant et ce mort sans tête chevauchant dans la nuit, escortés d’ombres[1]

D’une extrémité à l’autre de la Bretagne se répandait la dramatique épopée du jeune chef massacré et des Bleus assassins ; bientôt on sut que le général Hoche prenait contre ses soldats le parti de la victime : — « Je suis indigné de la conduite de ceux qui ont souffert que l’on promenât la tête d’un ennemi vaincu : c’est un crime envers l’honneur, l’honnêteté et la générosité française[2]… » La pitié émue du vainqueur parfaisait cette touchante histoire : l’amoureuse idylle, la veillée du mariage, le bonheur qu’on attend, la mort qui vient, la fuite éperdue de la fiancée, il y avait là matière à l’un de ces contes de chevalerie, tendres, héroïques et tristes que les Bretons aiment tant ; et l’aventure de Joséphine de Kercadio et de Boishardy aurait vite pris la forme de ces fabliaux populaires si l’impression n’en avait été presque aussitôt effacée par des événements d’un intérêt plus général.

  1. Notes inédites communiquées par M. le docteur O. Sagory, maire de Moncontour. La tombe de Boishardy était, au cimetière de Bréhand, « à peu près à l’endroit où s’élève la tour de l’église neuve ». En 1843, on fit des fouilles à cet emplacement ; on ne découvrit aucune trace d’ossements. Une croix a été dressée et se voit encore sur le bord de la route de Lamballe à Moncontour, presque à l’entrée du chemin des Champs-Piroués, à cent pas environ de l’endroit où, dans ce chemin, tomba Boishardy.
  2. Correspondance de Hoche. Hoche ordonnait à Crublier de « faire arrêter, sans perdre un moment, les officiers qui commandaient le détachement des grenadiers et ceux d’entre eux qui ont coupé et promené la tête de Boishardy ». D’après M. Émile Bernard, l’original de cette lettre de Hoche est conservé dans les archives de M. le marquis de Kerouartz.