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BOISHARDY

taire délicatesse commandait aux Conventionnels d’avertir les royalistes que Prigent était un traître, indigne d’intérêt : ils s’en gardèrent bien, accordèrent la libération du misérable et présentèrent cette « faveur » comme une preuve de générosité, plaçant ainsi auprès des pacifiés un espion qui, durant douze ans, grâce à l’aveuglement protecteur de Puisaye, vendra à la police tous les secrets dont il sera porteur[1].

Tels étaient les procédés des représentants du peuple ; l’incohérent emploi de leur omnipotence ne palliait pas ce manque de loyauté : ainsi, à l’heure où se répandait à peine en Bretagne le texte de la Pacification, accordant le libre exercice du culte, la Convention votait, le 1er mai, la peine de mort contre tout prêtre réfractaire découvert sur le territoire de la République ! Le 27 mai Guermeur et Brue, en mission à Quimperlé, ordonnaient l’ar-

    confidences. Voici un aperçu de sa manière : « Rennes, 24 nivôse III. Aie pitié de mon sort, citoyen représentant ! Tu vois et verras que je reconnais mon égarement. Veuille te ressouvenir que je suis un jeune homme qui veut travailler pour le soutien et la défense de la Patrie… Ton prisonnier, Prigent. » Archives de la Préfecture de Police. A A/295. Du même jour : — « Boursault est un nom qui doit être à jamais gravé dans le cœur de tous les enfants de la Patrie, de la République, de cette mère tendre et généreuse qui tend à tous des bras de miséricorde. Oui, son nom à jamais sera dans le mien, dans celui d’une tendre épouse qui te devra son fidèle époux, dans celui d’un pauvre enfant qui te devra son malheureux père. Ils le sauront ; oui, ils le sauront : je le leur dirai que c’est toi qui as veillé sur mes jours… etc. Ton prisonnier, Prigent. » Archives de la Guerre, Armée des Côtes de Brest, et de Cherbourg, à la date.

  1. Prigent resta, en effet, le protégé de Puisaye jusqu’en 1808. Dénoncé alors par un de ses compagnons, nommé Bouchard, il fut arrêté par la police impériale, essaya encore de racheter sa vie par d’abondantes révélations. L’empereur, pris de dégoût, ordonna qu’il fût mis à mort avec de malheureux émigrés qu’il avait trahis.