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BOISHARDY

matin, se jettent sur les plats avec une avidité peu décorative[1]. Le peuple est admis dans la salle du banquet et s’y presse sans discrétion. Hoche juge la scène « un peu gauche, pour ne pas dire indécente » ; les royalistes la voient « d’une tristesse remarquable[2] ». Seuls les conventionnels s’efforcent de garder le décorum et se plaignent de la cohue : l’un d’eux « se voyant enlever par un jeune officier une bouteille de vin d’Espagne, proteste qu’on avilit la représentation nationale. Le ravisseur, par chance, put se perdre dans la foule et s’échapper avec son larcin[3] ».

De plusieurs jours Cormatin ne quitta pas sa couronne de lauriers : il se croyait « le dictateur de la Bretagne ». Installé au château de Cicé, pour « organiser la pacification », il y signait « autant de passeports qu’une municipalité », écrivait Hoche qui, ne comprenant rien à cet hurluberlu vaniteux, ajoutait : — « Je crois qu’il veut toucher la forte somme et quitter le pays. » Cormatin s’attribuait, disait-on, sur le chiffre des indemnités allouées aux campagnes, 30.000 francs en numéraire et 40.000 en assignats : certains parlaient d’un million de livres, empoché par le pacificateur… Tout de même, il avait réussi à ébaucher un semblant de réconciliation entre royalistes et républicains, jouant, il est vrai, pour obtenir ce succès inespéré, une comédie périlleuse : aux uns il atteste qu’un article secret du traité assure la mise en liberté du fils de Louis XVI ; à d’autres il glisse discrètement que la Convention elle-même

  1. Extrait des notes de Hoche. Correspondance, p. 125.
  2. D’Andigné, I, 180.
  3. Extrait des notes de Hoche. Correspondance, Idem.