ainsi que le luxe de la table et du service dont s’effarouchait leur rusticité. L’argent ne manquait point, car les faux assignats de Puisaye circulaient à flots : — « Nous les jetions à pleines mains », écrit d’Andigné ; on rencontrait peu de scrupuleux qui hésitassent à les répandre. En général, on n’y faisait pas grande différence ; Bleus et Chouans se félicitaient de cet afflux de papier monnaie qui ne valait guère moins que l’autre, — le vrai. Les commerçants de Rennes acceptaient tout : les tailleurs et les lingères de la ville réalisèrent de gros bénéfices ; car les hôtes de Cormatin profitaient de cette vacance pour commander « force hardes » et renouveler leur garde-robe, endommagée par les longs séjours dans les bois[1].
Et les conférences ? Elles vont… cahin-caha. Le conseil des royalistes s’assemble à La Prévalaye. Cormatin le préside et dépense toute son éloquence. La pacification est sa raison d’être, sa conception personnelle ; il l’a promise aux représentants ; il s’effondrera si elle avorte. Et voilà qu’il se heurte à des résistances : la première condition du traité est la reconnaissance de la République et l’engagement de ne plus porter les armes contre elle ; ceci suscite des colères : les Chouans sont-ils des vaincus pour se soumettre à l’ennemi ? N’ont-ils pas juré de servir la cause du Roi jusqu’au triomphe ou jusqu’à la mort ? Vont-ils trahir ce serment à l’heure où la République agonise, où d’un bout à l’autre du royaume, le peuple épuisé et contrit aspire au rétablissement de la monarchie ? D’ailleurs, la paix ne serait pas gé-
- ↑ Archives de la Guerre. Lettre d’un bon citoyen ami de l’Humanité. 8 floréal, an III. Armée des Côtes de Brest et de Cherbourg.