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BOISHARDY

Camors, les chefs de la chouannerie se dirigeaient vers la capitale bretonne ; voyage extraordinaire et triomphal de ces sans asile dont beaucoup, depuis le temps lointain de La Rouerie, n’étaient sortis de leurs fourrés et de leurs « loges » que pour se poster en embuscade ou pour livrer bataille, et qui, à présent, munis de bons passeports, salués bas par les Bleus maudits, refaisaient joyeuse connaissance avec la vie d’auberge et les chaudes couëttes des lits bretons. Quand ils passaient, arborant leurs insignes d’officiers de l’armée du Roi, la foule applaudissait, disant « que les États de Bretagne se réunissaient enfin et qu’ils allaient rétablir le trône et l’autel[1] ». À l’entrée de toutes les bourgades, au cri Qui vive ? ils répondaient orgueilleusement : Députés royalistes ! Le poste sortait, rendait les honneurs militaires et les chouans passaient, soulevant leurs chapeaux couverts de plumes blanches[2]. En certains endroits on illumina et l’on fit fête durant trois semaines[3].

Ce qui surprend ce sont les exigences, le besoin subit de bien-être de ces hommes rudes accoutumés pourtant à toutes les privations : d’Andigné juge bien misérable le cortège de « deux ou trois mauvaises voitures paraissant avoir séjourné sous la remise depuis nombre d’années » mises à sa disposition, à celle de Boishardy et de « leur suite » pour se rendre de Moncontour à Rennes. « Il fallut, dit-il

  1. J. Le Fahler, Le Royaume de Bignan, p. 443.
  2. « À tous les postes que nous rencontrions sur notre route, nous répondions au Qui Vive ? Députés de la Vendée ! et on nous laissait passer en nous rendant les honneurs militaires. » Mémoires de Poirier de Beauvais. Beauvais venait de l’armée de Stofflet.
  3. À Ploërmel, à Josselin, notamment. J. Le Fahler, Le Royaume de Bignan, p. 442-444.