Page:Lenotre - Jacques-François Blondel et l’architecture française, paru dans Le Temps, 25 avril 1905.djvu/12

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’homme qui parvenait à innover de cette façon libérale, dans cette vieille France où tout était privileges, monopoles, corporations ou confréries, l’homme qui entrait hardiment en guerre contre « les mauvais goûts de l’époque » et toutes les Académies royales qui en groupaient les pontifes, celui-là possédait vraiment l’ardeur qui crée les héros et les vigoureuses convictions qui font les grands artistes. Le belliqueux professeur s’attaquait, en effet, à de terribles ennemis : l’engouement et la mode ; il condamnait hautement les combinaisons chimériques, les bizarreries dont l’Italie avait fourni, dans le siècle précédent, les premiers exemples, et qui, chez nous, n’avaient trouvé que trop de faveur dans les derniers temps ; il proscrivait l’abus des ornements frivoles qui, de la décoration des appartements, débordaient jusque sur les ordonnances extérieures, et la profusion des figures sculptées qui surchargeaient les lignes d’architecture et ôtaient aux édifices leurs formes et leur repos ; il repoussait l’invasion et les excès du style pittoresque qui enivrait toutes les têtes. « Quand une fois, disait-il, ce poison des arts a séduit, les anciens paraissent stériles, les grands hommes froids, les préceptes trop resserrés, et l’on décore souvent du beau nom d’invention des singularités extravagantes. »