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mais on comprend pourquoi ses contemporains, n’étant point devins, jugeaient inextricable la situation de ce jeune aventureux et présageaient son inévitable catastrophe.

Loin de le rebuter, « cette complication inouïe de difficultés enflammait son génie ; il mit sa gloire à vaincre tant d’obstacles ». Lui seul entrevoyait l’avenir et il marchait vers son destin, sans une hésitation, sans un faux pas. Chaque jour, Bourrienne, son ami d’enfance, alors son confident et son secrétaire intime, le voyait monter ; il a raconté, avec grand détail, et non sans aigreur, les péripéties de cette ascension. Logé, depuis le 19 brumaire, au Petit-Luxembourg, Bonaparte s’y trouvait déjà à l’étroit. Lui à qui suffisait, cinq ans auparavant, une chambre garnie à 3 francs par semaine, dans l’hôtel du Cadran bleu, rue de la Huchette, à l’angle de la rue du Petit-Pont, il n’est pas satisfait du charmant palais dont se contentait naguère Monsieur, frère du Roi. Non point qu’il soit difficile et qu’il exige du confortable ; mais il rêve des Tuileries qui furent le château royal et dont le nom, étymologiquement vulgaire pourtant, exerce sur l’Europe un fascinant prestige. C’est là que doit habiter le maître de la France. Mais le pas à franchir est périlleux ; les haines jalouses vont s’envenimer ; les jacobins déploreront cette résurrection du faste des tyrans ; les royalistes crieront à la profanation. Et comment