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mais les plus hostiles étaient ses compagnons d’armes, ceux qu’il avait distancés de façon si cavalière et qui se prétendaient frustrés parce qu’ils n’étaient plus ses égaux.

Bonaparte n’ignorait rien de ces jalousies féroces : — « À peine assis, disait-il plus tard, j’ai vu les prétentions se former : Moreau, Bernadotte, Masséna ne me pardonnaient pas mes succès… ils ont essayé plusieurs fois de partager avec moi… Douze généraux complotaient de diviser la France en provinces, me laissant généreusement Paris et sa banlieue ; le traité fut signé à Rueil, Masséna fut désigné pour me l’apporter ; il refusa, disant qu’il ne sortirait des Tuileries que pour être fusillé par ma garde. Celui-là me connaissait bien. » Combien d’autres, outre les trois qu’il nomme, ne dissimulaient pas leur dépit envieux ! Lucien, lui-même, — son frère, — Lecourbe, Macdonald, Simon, Delmas, Souham, Augereau… Au quartier général de Rennes s’impriment, sous formes d’adresses à l’armée, des libelles injurieux contre « le tyran », des sarcasmes contre ses « capucinades », véritables appels à l’insurrection et à l’extermination ; l’homme du 19 brumaire y est qualifié de déloyal chevalier de Saint-Cloud, de Pygmée républicain, de déserteur, assassin de Kléber ; de lâche apostat du culte de la liberté, de factieux impudent et ambitieux… Ces pamphlets sont envoyés par la poste à tous les chefs de corps, commandants de