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tait de précis. Le complot n’était pas niable ; bien plus, il était avoué ; mais devant un jury légal les fauteurs de cette conspiration, avortée avant toute tentative d’exécution, auraient été punis de peines légères ; ici, on pressentait, on savait même que le tribunal d’exception, devant lequel ils comparaissaient, se montrerait impitoyable. Les cœurs se serraient à l’approche du verdict, car on croyait bien discerner dans l’aventure de ces malheureux une intrigue policière. Qui donc, pour les attirer en France, les avait assurés du concours de Moreau ? Quel provocateur avait eu l’astuce de tramer une combinaison qui livrerait à Bonaparte les royalistes dont naguère il avait en vain exigé l’extradition d’Angleterre, et le débarrasserait à la fois des deux généraux hostiles dont la renommée l’offusquait ? Fouché seul était capable d’un tel coup de maître ; il y trouvait le double avantage personnel de récupérer son ministère et de ruiner les espérances des Bourbons dont une restauration possible restait le cauchemar de tous les régicides. Les moins perspicaces des auditeurs du procès étaient donc torturés du soupçon que les conjurés avaient été attirés dans un piège. Si l’on remarque, en outre, combien il était délicat de leur reprocher d’avoir tenté de renverser la République, qui venait d’être escamotée et abolie comme préjudiciable aux intérêts et au prestige