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Temple, faisait aux visiteurs de marque les honneurs de ce détenu notable : un jour, Louis Bonaparte, frère du Premier Consul, témoigna la curiosité de voir l’affreux bandit ; il vint, dit-on, au Temple, escorté d’un brillant état-major et put contempler à son aise le Breton immobilisé de la sorte, étendu sur son lit.

Quelles pensées hantaient cet homme impétueux, subitement réduit à l’inaction et qui, depuis dix ans, ne s’était jamais reposé ? Remâchait-il les circonstances de sa défaite ? Il la prévoyait depuis bien des jours, car, lorsqu’il fut arrêté, il s’apprêtait à quitter Paris, ajournant son projet et renonçant à compromettre en une aventure trop aléatoire le Prince sans la présence et les ordres duquel il avait juré de ne point agir. Avait-il discerné que, provoquer Bonaparte, c’était s’attaquer au destin et contrarier peut-être les desseins de l’inconcevable et mystérieuse puissance qui régit les intérêts humains ? Rêvait-il, les yeux clos, à ses landes, à la maison de Kerléano où vivait son père dans la douleur et l’isolement, à ses Bretons fidèles qui, incrédules à son échec, espéreront longtemps son retour, à Lucrèce, sa fiancée, qui, elle, l’attendra toujours ? Des longues méditations qui roulent dans sa grosse tête, on ne connaîtra jamais rien : désormais il ne parlera plus ; son but est manqué ; sa vie est finie ; il la donne, sans une plainte, sans un