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composent à ces revenants une insupportable torture. Pour Georges qui, en cette nuit du 21 au 22 août 1803, arpente l’opulente campagne normande, la situation est plus tragique encore ; il vient braver chez lui l’homme qui, pour le tenir en son pouvoir, a mobilisé des armées de soldats, de fonctionnaires, d’espions et rompu avec l’Angleterre. En trimant sur les sentiers scabreux avec ses six Bretons qui ignorent où il les mène, Georges rumine son paradoxal dessein dont la réussite doit stupéfier le monde. On rêve volontiers de tels écrasements de loin, à l’abri de son ennemi ; mais s’y obstiner de sang-froid, quand l’heure de la réalisation est venue, suppose un ressentiment implacable et une fermeté d’âme quasi surhumaine. D’ailleurs, le début permet d’augurer le succès : cette ferme de La Poterie, où les conjurés vont dormir durant leur première journée, est entourée d’un herbage bien clos et touche à la forêt d’Eu dont les taillis offrent leurs caches en cas d’alerte. La maison appartenait aux Detrimont, parents du fils Troche qui s’offre à guider, la nuit suivante, les voyageurs jusqu’à la seconde étape, Preusseville, distant de six lieues, dont trois au moins à travers bois.

À Preusseville, le gîte est chez le fermier Louisel où l’on passa tout le jour : Georges y trouva un cheval pour continuer sa route, et les sept hommes, sous la conduite d’un ancien chouan,