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bleu du Saint-Esprit ». Le cabinet anglais, soucieux de « ménager le Cromwell français », jugeait donc le moment peu propice pour accueillir les débris des bandes royalistes ; mais comme il discernait aussi qu’il importait à la dignité de la nation anglaise de ne point les abandonner après s’être servie d’eux, il s’arrêta au moyen terme de les soustraire aux fureurs du Consul en les déportant au Canada. Ce dont les Bretons s’indignaient, préférant la mort dans leurs landes à l’exil en terre lointaine. Les hésitations, de part et d’autre, se prolongèrent jusqu’à la signature du traité de paix, en fin de mars 1802 ; alors seulement les vieux chouans de Georges furent avisés de se rendre à Jersey où l’on fixerait leur sort.

Si les documents ne faisaient défaut, le lamentable exode des derniers insurgés bretons vaudrait d’être conté en détail : ces vaincus, réduits à se procurer, avec leurs maigres ressources, un moyen de passage, se dirigèrent, de nuit, par petits groupes, vers la côte, dans l’espoir d’y trouver des pêcheurs qui consentissent à les embarquer. Guillemot, le roi de Bignan, le plus fameux de ces proscrits, partit avec les survivants de sa légion : la pensée de quitter leur Bretagne et sans doute pour toujours, leur déchirait l’âme ; outre leurs femmes et leurs enfants, ils laissaient leurs toits, leurs pauvres champs exposés aux représailles des Bleus, au pillage, à la confisca-