« J’ai le plus grand besoin de parler à Lucrèce. Elle me connaît ; qu’elle amène avec elle la petite fille de Jean-Marie… Que Lucrèce arrive ; encore une fois elle me connaît et le voyage ne peut l’inquiéter. Si, à son arrivée, je suis encore de ce monde, le porteur (de cette lettre) la fera conduire au lieu où j’habite. Quoique la conduite ordinaire puisse trouver quelque chose d’étrange à l’arrivée de Lucrèce ici, qu’elle vienne ! Elle me connaît ; peut-être est-ce la dernière volonté d’un frère qui mérite tant d’être obéi. Encore une fois, malheureuse famille, n’attendez pas de moi la consolation ; je perds le seul ami que j’avais sur la terre ; j’attends Lucrèce… immédiatement. Hâtez son voyage. Vous m’auriez mal jugé si vous croyiez qu’elle ne doit pas le faire. Elle seule peut venir. Salut et respect.
Lucrèce ne vint pas. Aussi confiants en l’honneur de leur futur gendre qu’en la pureté de leur fille, ses parents redoutaient pour elle les périls du long voyage depuis Château-Gontier où ils tenaient auberge, jusqu’à l’abri inconnu où se terrait son fiancé, à travers un pays bouleversé par la guerre civile, parcouru par les troupes républicaines et infesté de bandes de chauffeurs. Georges ne revit donc pas celle qu’il aimait ; son chagrin s’accrut de cette déception ; son ardeur paraissait éteinte et les compagnons qui ne le quittaient pas ne reconnaissaient plus leur chef.
Ils s’étaient donné le mot pour ne jamais parler