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Normont prit si grand goût à ces entretiens qu’ils devinrent bientôt quotidiens. Il passait maintenant tous ses après-midi dans l’étroite boutique de l’épicier ; il se plaisait à bavarder jusqu’au soir dans la cuisine obscure où la famille s’attardait après les repas ; la pauvreté du décor ne le rebutait pas ; on l’accueillait si bien ! Le père, la mère, la fille luttaient à qui lui témoignerait le plus de prévenances ; ils se relayaient pour lui exprimer admiration, dévouement, reconnaissance ; bientôt même il dut croire qu’il y avait encore quelque chose de mieux dans la gratitude d’Élisabeth ; elle paraissait aussi heureuse qu’émue de l’assiduité du gentilhomme ; elle rougissait à son entrée, pâlissait quand il se levait pour partir et comprimait pudiquement les battements de son cœur lorsqu’il lui adressait la parole. Avec ses quarante-six ans, son visage criblé, son œil en moins et son épaule ankylosée, Charles n’était pas, à proprement parler, un Cupidon ; il fut d’autant plus sensible au naïf et tendre trouble de cette ravissante