Page:Lenoir-Rolland - Poèmes épars, 1916.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
19
CHANT DE MORT d’UN HURON

1840

Chant de Mort d’un huron

LÉGENDE CANADIENNE


Sur la grande montagne aux ombres solitaires,
Un jour il avait fui le chasseur ;
Son œil était de feu, comme l’œil de ses pères ;
Mais son ombre roulait avec plus de fureur !
Où guide-t-il ses pas ? quelle rage l’anime ?
Le bronze de son front paraît étinceler !
Est-ce un sombre guerrier ou bien une victime
Qu’aux mânes de son frère il brûle d’immoler ?
Il est là près du chêne : une hache sanglante
Soutient ses larges bras l’un dans l’autre enlacés ;
On dit qu’il se calma, que sa lèvre tremblante
Laissa même échapper ces mots qu’il a tracés :
« Chêne de la grande colline,
« Arbre chéri de mes aïeux,
« Écoute ! qu’à ma voix ton oreille s’incline,
« Je suis venu te faire mes adieux !
« Il m’avait dit : tes pieds ont perdu leur vitesse
« À quoi te peuvent-ils servir ?
« Ta hache est là qui pleure et maudit ta vieillesse :
« Elle sent que tu vas mourir !