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SAINT-JUST

quieu. Des biographes, contre-révolutionnaire et robespierriste également passionnés, l’un fait de ce poème une berquinade, tandis que l’autre a pour chaque page un rechange de pincettes. Un historien de la Gironde a cependant avoué son estime de la performance. « On ne peut méconnaître que ce soit une œuvre étonnante pour un jeune homme de dix-neuf ans : richesse et variété des pensées, légèreté et érudition du style, de la grâce alliée partout à la profondeur ; on y trouve tous les éléments d’un talent déjà mûr à sa naissance[1] », mais le critique ajoutera : « Cette plume qui est maîtresse d’elle-même, qui peut, qui sait tout dire, elle semble esclave d’une idée fixe : la lubricité ». Il est vrai, ce « poème ordurier » imite avant tout la Pucelle, et ne témoigne qu’ensuite d’un goût à manier les idées graves, d’une information de vocabulaire et d’une lecture si forcenée, qu’elle intéresse chez un page aux arrêts. Surtout nous sommes renseignés quant à la ténacité du jeune homme. Après les vingt chants de ce poème épique, fantastique, voire didactique, on reste persuadé que désormais Saint-Just fera tout ce qu’il voudra !

  1. Vatel. Charlotte Corday et les Girondins.