Page:Lenéru - Saint-Just, 1922.pdf/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
65
LES RAPPORTS : STYLE ET PROCÉDÉS

voulu le premier et la chose apparaît bien sienne à travers ses trois grands discours, à travers ses notes, jusqu’à l’étonnante excitation qu’il garda toujours sur le sujet. Avant germinal, avant, semble-t-il, toute sanction de Robespierre et du Comité, dès son rapport du 8 ventôse, Saint-Just n’y tient pas et menace follement : « On s’exempte de probité ; on s’est engraissé des dépouilles du peuple ; on en regorge, et on l’insulte, et l’on marche en triomphe traîné par le crime, pour lequel on prétend exciter notre compassion ! Car enfin, l’on ne peut garder le silence sur l’impunité des plus grands coupables qui veulent briser l’échafaud parce qu’ils craignent d’y monter. »

Ce qu’il y a de certain, c’est que les notes de son ami qui servirent, dit-on, à Saint-Just, sont un « discours sur la faction Fabre d’Églantine » et que Danton n’y est jamais nommé. Quand on compare l’ennuyeuse élucubration de Robespierre, monotone jusque dans la violence et faible jusque dans la menace, à la forte, nerveuse, enragée performance de Saint-Just, on comprend mieux l’histoire de leurs rapports, ce qui est spontané chez le disciple, et combien le premier, malgré son fiel, eut été désarmé sans le talent d’agrandir la haine que l’autre a portée jusqu’aux nues.