Page:Lenéru - Saint-Just, 1922.pdf/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
INTRODUCTION

de tête arrogant, à son audace quotidienne, à son inoubliable parole tranchante qu’il soulignait d’un geste de guillotine ; je songe, plus près de nous, au jeune royaliste Henri Lagrange, à ses aphorismes ténébreux et denses, à sa volonté implacable. Que ces âmes tendues, l’ayant ou non voulu, reproduisent quelque chose du jeune Saint-Just, frénétique et glacé, c’est intelligible. Mais une jeune fille ! Comment concevoir qu’une Marie Lenéru se soit abreuvée à cette source sanglante, enchantée de cette orgie noire et qu’un cœur si pur ait volé vers cette gloire qui brûle dans la Révolution comme une lampe dans tombeau.

Saint-Just lui-même nous fournit la réponse, quand, devançant la doctrine romantique, il ose écrire : « Rien ne ressemble à la vertu comme un grand crime. » Et c’est vrai que dans le crime une âme avide de force peut trouver une certaine excellence. Saint-Just porte parmi ses tares le signe de la grandeur.

Je ne fais pas son apologie. C’est affreux qu’un jeune homme désire la mort ignominieuse de la reine de France. Pour ma part, si je voyais en péril la reine des abeilles, je me gênerais pour la sauver. N’avoir pas vingt-cinq ans, et jeter sous la guillotine une princesse ravissante et tant d’autres jeunes