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SAINT-JUST

nelle, guettée par les pires cabotinages, d’un principat conquis à vingt ans, est traversée dans la plus imperturbable, la plus froide simplicité. Impossible d’avoir été moins poseur.

« Il est observateur et taciturne », avait dit Robespierre à Barère. Il put être grave et taciturne l’homme qui, dans le monde, ne voyant que des « vérités tristes », lui promit, et sur sa tête, qu’il lui donnerait la perfection : « Le jour où je me serai persuadé qu’il est impossible de donner au peuple français des mœurs douces, énergiques, sensibles et inexorables pour la tyrannie et l’injustice, je me poignarderai[1]. » Taine a peu goûté « cette gageure de forcené ». Saint-Just, il est vrai, aima la perfection comme on aime le bonheur. Oui, il eut cette bizarrerie, aimant la perfection, de la préférer toujours au médiocre :

Nous vous parlâmes de bonheur : l’égoïsme abusa de cette idée pour exaspérer les cris et la fureur de l’aristocratie ; on réveilla soudain les désirs de ce bonheur qui consiste dans l’oubli des autres et la jouissance du superflu. Le bonheur ! le bonheur ! s’écria-t-on. Mais ce ne fut point le bonheur de Persépolis que nous vous offrîmes : ce bonheur est celui des corrupteurs de l’humanité. Nous vous offrîmes le bonheur de Sparte et celui

  1. Institutions.