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SAINT-JUST

Oui, il fut cruel et voulut l’être. Il exalte avec éloquence, avec émotion, la cruauté. Jamais on n’en avait ainsi parlé ; sa langue même s’y aguerrit, c’est la fonction meurtrière de ce talent qui le rendit si sûr, si court, si hautain, et la proximité de la mort qui lui donna le sérieux et la nudité. « Il y a quelque chose de terrible dans l’amour sacré de la patrie ; il est tellement exclusif qu’il immole tout sans pitié, sans frayeur, sans respect humain à l’intérêt public[1]. »

Jamais on ne s’est plus froidement éviscéré de toute pitié, plus sûrement, plus méthodiquement. S’il a dit une fois, aux débuts, qu’il lui serait doux « de régir par des maximes de paix et de justice naturelle[2] », il a oublié de répéter ce vœu, qui ne figure même plus dans ses rêves. — « Les actes de clémence sont l’échelle du mensonge, comme nous disait Tertullien, par lesquels les membres des comités de Salut Public se sont élevés jusqu’au ciel. » À tout cet éloquent No. 4 de Camille Desmoulins, si désarmé, si sage, si peu agressif, il oppose une incomparable sécheresse d’ironie :

On nous embarrasse dans un luxe de sentiments faux… la destinée publique change au gré du bel esprit… à voir

  1. Germinal. Rapport contre Danton.
  2. 10 octobre 93. Déclaration du gouvernement révolutionnaire.