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SAINT-JUST

Conscient ou non, Saint-Just pensait dangereusement pour Robespierre :

La modestie d’un héros ne m’en impose pas. Si vous louez la modestie d’un homme, que ferait-il de plus dangereux pour la liberté s’il montrait de l’orgueil ?[1]

Cette petite étude me semble éclairer le mot surprenant de Levasseur, « il s’en était fait craindre peut-être encore plus qu’il n’avait désiré s’en faire aimer », avec cette réserve que, s’il y eut calcul d’amitié, il ne put jamais y avoir calcul d’ascendant. Si l’un a dominé l’autre, c’est parce qu’il ne pouvait pas faire autrement. Malgré sa morgue et sa clairvoyance, il y a une simplicité déconcertante en Saint-Just : de la juvénilité. Il demeure « dévoué » selon la fiche de Robespierre[2] et le silence qui pèse sur les dernières heures de leur association contient peut-être un héroïsme intime, une fidélité à demi-surprise, à demi-consentie qu’on n’a pas encore bien démêlés. Il est assez probable que Saint-Just est mort pour une idole jugée. Ses droits personnels à la proscription rétablissent l’équilibre des choses.

  1. Institutions républicaines.
  2. « Grands talents, pur, dévoué. »