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LES MISSIONS

« Saint-Just pâlit, chancela et se porta dans mes bras. Il dit ensuite d’un ton pénétré : ah ! Levasseur, si je t’avais tué ! » Il est vrai que peu de temps auparavant, se portant sur une hauteur d’où l’on voyait le camp ennemi : « Saint-Just m’accompagna. Nous vîmes très distinctement l’ennemi mettre le feu au canon. Je dis à mon collègue : « Les représentants du peuple ne doivent pas voir de si loin une bataille ; courons dans la mêlée. — Que veux-tu que nous allions faire là ? » Cette réponse fit sourire quelques officiers qui se trouvaient près de là. J’en pris de l’humeur et je dis ironiquement à Saint-Just : « Je vois que l’odeur de la poudre t’incommode. Que veux-tu que nous allions faire là ? » Je ne puis dire comme ce mot de Saint-Just me plaît. On ne le connaît que terrible, il pouvait être simple comme le bon sens.

À ce témoignage de Levasseur il suffirait d’opposer celui de Baudot, son frère d’armes à Wissembourg. « Saint-Just ceint de l’écharpe de représentant, le chapeau ombragé du panache tricolore, charge avec la fougue et l’insouciance d’un jeune hussard. » Cela même est inutile et c’est une justice à rendre aux historiens : le courage est la seule chose intacte qu’ils laissèrent à Saint-Just. Cepen-