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LES MISSIONS

s’en charger, ainsi qu’à me donner les détails que je lui demandais. Tout est dans la lettre du général Jourdan, me dit-il, voilà tout ce qu’il faut dire. Il était concentré et semblait mécontent. » Cette singulière attitude du triomphateur s’explique par d’autres paroles échangées entre eux.

En lisant la sévérité de ses institutions militaires, on se rappellera qu’il ne voulut jamais faire de rapports sur les armées. Serait-ce qu’il redoutait leur influence sur la liberté ou qu’il ne pouvait souffrir un genre de gloire qui n’était pas le sien ? On l’ignore. Ce qu’il y a de certain, c’est que le soir où le courrier de Sambre-et-Meuse porta la nouvelle de la prise d’Anvers, Saint-Just me dit en se retirant : « Ne fais donc pas tant mousser les victoires. — Pourquoi ? — N’as-tu donc jamais craint les armées ? »

Et lui-même, s’il revendique une fois sa victoire, c’est par manière de réprimande, pour une leçon aux vaniteux :

Je désire qu’on rende justice à tout le monde et qu’on honore les victoires, mais non point de manière à honorer davantage le gouvernement que les armées : car il n’y a que ceux qui sont dans les batailles qui les gagnent… J’aime beaucoup qu’on nous annonce des victoires, mais