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SAINT-JUST

On s’étonnera un jour qu’au XVIIIe siècle on ait été moins avancé que du temps de César : là le tyran fut immolé en plein Sénat, sans autre formalité que vingt-trois coups de poignard, et sans autre loi que la liberté de Rome…

Les mêmes hommes qui vont juger Louis ont une République à fonder : ceux qui attachent quelque importance au châtiment d’un roi ne fonderont jamais une République. Parmi nous la finesse des esprits et des caractères est un grand obstacle à la liberté.

Il est telle âme généreuse qui dirait dans un autre temps que le procès doit être fait à un roi, non point pour les crimes de son administration, mais pour celui d’avoir été roi, car rien au monde ne peut légitimer cette usurpation ; et de quelque illusion, de quelques conventions que la royauté s’enveloppe, elle est un crime éternel contre lequel tout homme a le droit de s’élever et de s’armer ; elle est un de ces attentats que l’aveuglement même de tout un peuple ne saurait justifier ; ce peuple est criminel envers la nature par l’exemple qu’il a donné, et tous les hommes tiennent d’elle la mission secrète d’exterminer la domination en tout pays.

On n’a vu que de la rage dans ce discours, très réfléchi cependant :

Pour moi, je ne vois point de milieu ; cet homme doit régner ou mourir. Il vous prouvera que tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour soutenir le dépôt qui lui était confié ; car, en engageant avec lui cette discussion, vous ne lui pouvez demander compte de sa malignité cachée ; il