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SAINT-JUST

l’étude de Me Thorin. Les destins se le ménageaient et l’heure n’était pas assez terrible pour l’entrée en scène de Saint-Just.

Il vit alors dans sa famille ; une lettre à son beau-frère nous le découvre sous le jour d’un parent fort aimable. Nous la citons pour la rareté des lettres de Saint-Just :

J’ignorais, mon cher frère, que l’indisposition de notre sœur eût eu des suites ; maman nous avait dit l’avoir laissée tout à fait de retour à la santé. Prenez garde que les eaux et l’air cru de nos montagnes ne soient la cause de son mal. Je vous conseille de lui faire prendre beaucoup de lait, et de ne lui point faire boire d’eau.

Je ne puis vous promettre précisément quand je pourrai aller vous voir. Je suis accablé d’affaires, et voici des jours bien humides et bien courts. Cependant, d’ici à Noël, j’aurai le plaisir de vous embrasser tous les deux. Si vous vous aperceviez que l’air incommodât votre femme, envoyez-nous-la quelque temps ; elle ne doute point de l’amitié tendre avec laquelle elle sera toujours reçue de nous. J’espère que son mariage ne nous aura point séparés et que nous n’oublierons ni les uns, ni les autres, les sentiments qui nous doivent unir. Écrivez-nous, l’un et l’autre, de temps en temps, et surtout ne nous laissez point ignorer, d’ici au moment où je partirai pour vous aller voir, quelles seront les suites de la maladie de ma sœur. Il me tarde de l’avoir vue pour me rassurer. Égayez votre jeune mariée, et, surtout, veillez qu’elle n’éprouve aucun chagrin domestique de la nature de ceux qu’elle n’oserait point vous confier. L’idée que j’ai conçue de votre famille me fait croire qu’ils aimeront tendrement cette nouvelle sœur et cette nouvelle fille. Rendez-la souveraine après vous,