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LES ANTÉCÉDENTS

Remarquez que lorsqu’un peuple emploie la force civile, il ne punit que les crimes maladroits, et la corde ne sert qu’à raffiner les fripons. Le peuple qui se gouverne par la violence l’a sans doute bien mérité. Je ne vois plus en France que des gens d’armes, que des tribunaux, que des sentinelles ; où donc sont les hommes libres ? Un tribunal pour les crimes de lèse-nation est un vertige de la liberté qui ne se peut supporter qu’un moment, quand l’enthousiasme et la licence d’une révolution sont éteints. Le supplice est un crime politique, et le jugement qui entraîne peine de mort un parricide des lois ; qu’est-ce, je le demande, qu’un gouvernement qui se joue de la corde et qui a perdu la pudeur de l’échafaud ?

Mais Saint-Just ne fut pas élu par la raison qu’on le raya même des citoyens actifs. Cela ne se passa pas du gré de ses compatriotes ; il eut pour lui une sédition, et il fallait qu’on redoutât bien le député dans le citoyen actif pour qu’on s’acharnât comme on le fit à cette radiation. Ce qui n’empêcha pas d’ailleurs quelques voix obstinées de se porter sur lui quand on nomma les députés.

Ce glorieux échec lui fut sans consolation. On ne prévoyait pas d’autre législature ; c’était l’avenir qui s’en allait. Jusqu’ici il avait toujours monté, avait tout réussi au delà de son attente, et maintenant il lui restait une chose : se faire clerc dans