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SAINT-JUST

distribuer des aumônes au bout de courses trop longues. Thuilliers, qui de sa prison écrivait sur lui une note enthousiaste, en parle avec émotion : « Je forcerai à l’admiration ceux même qui t’auront méconnu… Je dirai quel était ton zèle à défendre les opprimés et les malheureux, quand tu faisais à pied, dans les saisons les plus rigoureuses, des marches pénibles et forcées, pour aller leur prodiguer tes soins, ton éloquence, ta fortune et ta vie. » Il est très vrai qu’il leur donna sa fortune. En 90, Blérancourt l’ayant chargé d’une pétition à l’Assemblée nationale, voici la lettre qu’il écrivit à Robespierre au lieu de faire passer la chose par les députés de son département.

Blérancourt, près Noyon, le 19 août 1790.

Vous qui soutenez la patrie chancelante contre le torrent du despotisme et de l’intrigue ; vous que je ne connais que, comme Dieu, par des merveilles, je m’adresse à vous, Monsieur, pour vous prier de vous réunir à moi pour sauver mon triste pays. La ville de Coucy s’est fait transférer (le bruit court ici) les marchés francs du bourg de Blérancourt. Pourquoi les villes engloutiraient-elles les privilèges des campagnes ! il ne restera donc plus à ces dernières que la taille et les impôts ! appuyez, s’il vous plaît, de tout votre talent une adresse que je fais par le même courrier, dans laquelle je demande la réunion de mon héritage aux domaines nationaux du canton, pour que l’on conserve à mon pays un privilège sans lequel il faut qu’il meure de faim.