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la triomphatrice

Claude, a les larmes aux yeux.

Grand Dieu ! mais si ma mère… si elle avait vécu comme je l’ai fait… Je ne souhaite pas à ma petite Denise de voir sa vie étouffée à quarante ans.

Bersier.

Voilà qui vous juge, faire le bonheur de sa fille vous paraît une vie étouffée.

Claude, énervée.

Ah ! voyons, qu’elle y collabore un peu à ce bonheur… il n’en vaudra que mieux.

Bersier.

Dieu me sauve des femmes ouvrières de leur bonheur.

Claude.

Croyez qu’elles aimeraient mieux qu’on s’en chargeât.

Bersier.

En ce cas-là, ma chère, elles en rencontrent plus d’un.

Claude.

Ah ! en voilà assez… Faut-il que j’aime la vie pour que malgré vos scènes, malgré vos reproches, malgré vos voix et malgré vos yeux, j’arrive encore à bander en moi-même l’arc difficile du travail quotidien… Que ne travaillez-vous, Henri, que ne travailles-tu, Denise !

Bersier.

Taisez-vous, on a sonné… le coup de sonnette de Sorrèze. (Sarcastique.) Ah ! voilà un travailleur. (Claude se tait.) Il y a longtemps que je n’ai vu Sorrèze… Comment va son foie ? (Claude garde un silence impatient). Mon Dieu, ma chère, que voulez-vous ? on apprend à vivre, on se fait à toutes les situations… le plus fort est que c’est vous qui soyez choquée.