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la triomphatrice

pour me séparer à jamais d’un métier auquel je me suis trop donnée. (Elle a un long frémissement, ils se taisent.)

Flahaut, avec remords.

Pardon, pardon, pardon…

Claude.

Plus tard… quand vous serez parti, et revenu.

Flahaut, comme il étoufferait un juron.

Non…

Claude, ironie triste.

Ah ! il faudra renoncer à quelques habitudes…

Flahaut.

Permettez-moi de rester, Claude, même encore ! Vous me connaissez… sans doute je ne me soucie plus de rien, je ne me soucie plus d’être et de valoir. Je crois, Dieu me pardonne, que si j’ai travaillé, c’est pour vous atteindre, pour rapprocher nos lointaines existences… Claude, vous êtes mon but. Défendez-le, faites-vous inaccessible. Mais laissez-moi vous poursuivre, laissez-moi vous combattre…

Claude.

S’il n’y avait que moi, je vous garderais tout de même, fiévreux, malade, insensé, qu’importe ! Je tâcherais de refaire de vous le beau cerveau équilibré que j’admirais, le régulier, le travailleur qui devait nous dépasser tous. (Souriant.) Le « cœur classique » qui me plaisait tant. Mais il y a ma pauvre fille ; celle-là, il ne faut pas qu’elle vous voie ici… Flahaut, ce que je ne vous pardonne pas, c’est que Denise vous ait deviné avant moi.

Flahaut, dur.

Vous ne sentiez plus que par Sorrèze !

Claude.

Après lui, vous étiez mon meilleur attachement. Je bénissais mon métier d’avoir donné à ma vie des com-