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la triomphatrice

Claude, prête aux larmes.

Trop forte ! on m’a dit cela toute ma vie. Trop forte ! Est-ce que nous ne sommes pas aussi faibles, aussi mendiantes… (Pleurant.) Vous m’énervez, vous me blessez… Vous ne pouvez rien pour moi, vous le savez… Pourquoi vous en prendre au seul qui a fait de ma vie une chose acceptable… et de ma mort une chose à laquelle je peux penser… Sorrèze ne parle pas de l’amour aussi bien que moi, qu’est-ce que cela fait ? Qu’est-ce que cela prouve ? Oh ! les forçats que nous sommes : toujours des prodiges, toujours des chefs-d’œuvre.

Flahaut.

Claude, je suis là. Aimez Sorrèze, et quand vous souffrirez quand vous douterez, pensez à moi. Dites-vous qu’un autre cœur aussi profond que le sien, une autre âme attentive comme la sienne, par sa ferveur, par sa détresse, achève la rançon, le prix que vous valez.

Claude.

Je ne souffre pas, je ne doute pas. Je ne permets à personne de douter pour moi.

Flahaut, passionné.

Si je ne jugeais pas Sorrèze… Il ne peut pas être tout ce que vous aurez eu ! Claude, un jour vous ouvrirez les yeux… cet homme n’aimera jamais, que lui-même, c’est notre plus illustre égoïste.

Claude, brusque.

Ai-je besoin de l’amour des dévoués ?

Flahaut.

Vous souffrirez… Son livre… mais c’est vous, mais c’est votre histoire… et voyez ce qu’il en a fait !… Oh ! je ne dis pas qu’il ait exploité… c’est pire : il n’en a rien tiré.

Claude.

Eh bien, oui, là, je n’en ai pas dormi… ce livre m’a énervée, ce livre m’a déçue, ce livre est manqué, n’en par-