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PRÉFACE


On ne tient pas assez les serments pris envers soi-même. Mon projet était pourtant bien arrêté depuis ma dernière pièce de ne plus aller à une générale sans un bon manifeste paru la veille ! Voilà ce que j’ai voulu faire.

À mes débuts je m’en serais franchement gardée. Je croyais inutile, et l’aveu d’une défaillance, d’écrire : « Ici, il y a une forêt », je croyais au principe que le dessin n’a pas besoin de légende. J’ignorais que, la plupart du temps, le dessin n’était pas vu par les rétines, encore sous l’impression des images antérieures.

Qui ne sait combien il est difficile de faire lire un texte ? Qui lit une lettre ? Qui n’y répond pas à côté, à faux, à rebours ? Ce n’est pas toujours la faute de celui qui l’écrit. Il importe donc de bien déclarer d’avance ce que vous savez, ce que vous avez voulu faire. On y aura beaucoup moins d’objections que vous ne pensez. Le public lettré et même le public tout court n’est ni bête, ni méchant, mais l’un et l’autre public sont très paresseux, non pas à juger, non pas même à louer, mais à inventer leur jugement. Au plus vite, au plus tôt, donnez-leur donc un thème. Ce qu’il faut éviter, c’est de laisser le critique chargé non seulement de juger, mais de raconter votre pièce, y aller sans préparation de sa bonne petite histoire, telle qu’il la cueille au passage, généralement avec une adresse, un talent, une mémoire incomparable qui témoigne d’une puissance d’attention qui est vraiment de la conscience professionnelle. Seulement, ce n’est pas cela, ce n’est pas cela du tout. « Ce n’était donc pas clair ? » se demandera l’auteur. L’histoire littéraire dit que toute œuvre originale doit être plus ou moins commentée avant