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la triomphatrice

un terrain de jeu… Quelle est la championne qui se toquerait d’une mazette ? Moi, je suis un littérateur… c’est par là qu’il faut que je vaille. Mais vous, vous qui m’aimez… vous qui me jugez, vous à qui j’inspire un sentiment incomparable.

Claude.

Ce n’est pas vrai !

Sorrèze.

Ah ! laissez-moi dire, puisque c’est la première et la dernière fois, ces choses-là, on n’y revient pas… Vous êtes au supplice, ma pauvre Claude, vous ne savez comment guérir, effacer… comment vous faire pardonner votre gloire toujours montante… et moi, je ne sais pas davantage comment vous féliciter, vous admirer avec assez d’élan, vous prouver à toute heure, prouver à tout le monde que je ne suis pas jaloux… Jaloux, quelle chose vraie, pourtant, quelle chose due, quand votre âme n’est pas vile… ou pis que cela un mari qui renonce, si je n’étais pas jaloux de vous…

Claude, avec élan.

Ah, si vous n’étiez pas malheureux, je vous dirais : soyez jaloux de toutes vos forces… J’aime votre jalousie moi, elle ne me gêne pas !

Sorrèze.

Il n’y a pas de solution possible. La grandeur même de votre abdication m’écraserait… Il y avait une ressource : mon équivalence. Ah ! je vous prie de croire que je l’ai voulue… Je me suis acharné… l’homme n’a pas encore goûté de ces luttes-là. Le premier match émouvant, conscient, celui où j’ai compris qu’il y allait de notre amour, le voici. J’ai la sensation d’être insulté, frappé devant vous et que, devant vous encore, la réparation devait être ajournée. (Plus âpre.) La réparation ! Même pour les autres, pour le monde, il en faut une… Je ne puis être ce pauvre, à côté de vos millions. (La voix vibrante.) Ce n’est pas à moi, Claude, de me glorifier en votre amour, il faut qu’à vous aussi un orgueil vienne de moi.