« Quand fumait l’encensoir des beaux enfants de chœur.
Les prêtres m’ont chanté leurs saintes litanies,
Et l’orgue m’a versé des torrents d’harmonies ;
Mais rien n’a pu combler l’abîme de mon cœur.
« J’ai passé l’âge heureux ou l’on voit tout en rose,
Et l’âge encor naïf où l’on voit tout en noir :
Sérieuse à présent, j’ai le malheur de voir
Partout la teinte grise, uniforme et morose.
« Ce bonheur idéal, cet amour tant rêvé
Qu’à l’ombre des couvents les pauvres jeunes filles
Aperçoivent de loin en regardant aux grilles,
Je l’avais cru possible… et ne l’ai pas trouvé…
« Depuis bientôt douze ans que je suis mariée,
Je savoure à pleins bords la coupe de l’ennui :
Frère d’Hier, Demain est frire d’Aujourd’hui…
Hélas ! la ligne droite est si peu variée !…
« Si j’essayais l’amour dont je n’ai pas goûté !
Si je laissais tomber mes pauvres ailes d’ange !…
Et si, comme un enfant qui dévore une orange,
J’assouvissais ma soif au fruit d’or enchanté !…
Page:Lemoyne - Poésies - 1873.djvu/167
Cette page n’a pas encore été corrigée